Le projet FRONTERA est né d’une rencontre : celle de nos deux compagnies avec un demandeur d’asile irakien, Mohammed Al Mafrachi. Cet homme de 36 ans, arrivé d’Irak en Belgique en 2014, nous fascine par son énergie vitale malgré les refus répétés d’asile. Aujourd’hui, Mohammed parle à la fois le français et le néerlandais. Par la découverte du théâtre, en atelier d’abord, puis en tant que professionnel, il a trouvé un sens à sa vie, même « sans papier ».
Notre spectacle est né d’une réflexion sur l’absurdité de ce refus d’asile et sur l’injustice de cette situation. Rassemblant autour de lui sur le plateau trois comédien·nes belges venant des deux côtés de notre frontière linguistique, nous abordons par le théâtre d’objet la question des frontières, leur origine, et la folie de leur déploiement dans le monde d’aujourd’hui. Nous qui passons des frontières sans même y penser, réalisons-nous l’injustice que cela représente pour d’autres qui y meurent chaque jour ? Avec humour, mais parfois avec rage ou colère, naviguant entre univers décalé et réalisme, le spectacle tente de dépeindre le système mondial actuel tout en racontant, de manière détournée et collective, l’histoire de Mohammed. Il tente aussi d’éveiller le jeune public à une réflexion sur l’essence même des frontières.
Si nous avons choisi de travailler avec, et à partir de l’histoire de Mohammed, c’est aussi parce qu’il nous parait important que notre public puisse sortir les personnes ayant un parcours migratoire de leur anonymat, leur donner un visage et une voix, les rencontrer, voir à quel point ces personnes peuvent être porteuses pour notre société.
En plus d’amener les enfants à se poser des questions sur les frontières et ce qu’elles représentent, il nous paraît crucial aussi que les enfants belges ou français d’origines diverses puissent voir sur un plateau de théâtre des comédien·nes issu·es de la diversité, des personnes d’origine arabe ou africaine, prêt·es à témoigner de leur parcours. A l’heure où l’Europe vire à l’extrême droite et que la politique européenne des frontières se déshumanise de jour en jour, assassinant des milliers de personnes, ce spectacle est un cri pour un regard plus humain sur la réalité de l’autre.
Ce spectacle, nous le rêvons comme une rencontre, c’est pourquoi nous mettons l’accent sur les bords de scène après chaque représentation, comme premier prolongement du spectacle.