Nous vivons une époque où une grande partie du monde est dominée par des criminels et des fous.
Ödon von Horváth dit de ses pièces qu’elles sont des tragédies et qu’elles ne deviennent comiques que parce qu’elles sont étrangement inquiétantes. Écrite en 1936, Figaro lässt sich scheiden en est l’exact témoignage.
Si Figaro divorce en français, en allemand il se sépare littéralement ; trempé dans l’écriture de von Horváth, le héros de Beaumarchais se brise, quittant le siècle des Lumières pour rejoindre celui d’où a surgi la bête immonde. Figaro se sépare, de lui-même et de sa duplicité rieuse. Devant lui, comte et comtesse ne sont plus que les corps faméliques de ce qu’ils furent – la Comtesse en mourra d’ailleurs, le Comte fera de la prison, et libéré, revenu au château, cherchera le grand sapin comme s’il voulait s’y pendre.
Figaro ne sautille plus, bientôt il piétinera : le désir d’absolu de Suzanne, d’abord, puis ses idéaux de liberté, prêt à toutes les vilenies et coups tordus, pourvu qu’ils lui permettent de garder le premier rôle, jusqu’à enfiler celui d’apparatchik.
Les crises révèlent la nature des hommes, il en est de même pour les femmes. Suzanne, à la fois ancienne et moderne, s’émancipera, se rebellera, dira adieu à la soubrette inquiète, à la sage épouse, persuadée que donner la vie a du sens.
« Nous vivons une époque où une grande partie du monde est dominée par des criminels et des fous », disait von Horváth. Il reste bien notre contemporain.