On dit qu’en Belgique, il n’y a jamais de soleil. Il y avait pourtant certains dimanches après-midi ensoleillés où le terril se mettait à luire comme si on venait de lui passer une couche de cirage.
Héritiers plus ou moins lointains du Cantastorie, figure du folklore traditionnel sicilien, trois acteur∙ice∙s donnent voix à Girolamo Santocono, débarqué à l’âge de 5 ans avec des milliers d’autres Italiens dans une cité minière du Hainaut en Belgique. Un rideau comme signe minimaliste du théâtre, une table de fête qui donne le ton de la narration, et des caisses en carton qui surgissent – témoins d’un déménagement provisoire qui s’éternise -, seront le support de ce récit en « je » à trois voix. Du quotidien aux moments-clés gravés dans la mémoire, ces voix racontent une enfance traversée à la fois par la trivialité et l’exceptionnel, et c’est dans un alliage gourmand d’italien, de wallon, de poésie et de suc populaire, que la langue pleine d’oralité se partage comme un bon repas.
Le quartier de l’Etoile se couvre alors de couleurs, de sons, d’odeurs et de goûts, dignes d’une liqueur dégustée au soleil couchant en écoutant Maria… Du haut de sa taille d’enfant, Girolamo voit pourtant bien les problèmes, qu’il s’agisse de la déception d’une génération qui finit par s’installer plus durablement qu’escompté ou de la dangerosité de la descente à la mine qui fait préférer à certains se couper volontairement les doigts.
Rue des Italiens nous invite à l’école de la vie d’un enfant de l’immigration, ballotté entre les joies et soucis des adultes, les événements marquants de l’histoire ouvrière comme la tragédie du Bois du Cazier en 1956 et la grève générale de l’hiver de 1960, et les bosses aux genoux et au cœur que provoque la différence – mais aussi le racisme dans toute sa bêtise et son ignorance. Une plongée pleine d’appétit dans le passé pour aborder le présent les yeux grands ouverts…