Les vaches ne vivent pas une vie violente. Sauf si on les mange. Et même les carnivores – ouais c’est beaucoup chasser et courir et déchiqueter, mais la guerre ? Le meurtre ? La torture ?
Sous des allures de stand-up aux confidences sans filtre Girls and Boys nous entraîne sur un chemin a priori joyeusement banal : une rencontre amoureuse dans une file d’attente, une carrière prometteuse dans la production de films, la naissance des enfants…
Celle qui nous parle n’a pas de nom, sans doute parce qu’elle ressemble à nombre d’entre nous. D’une extraction plutôt simple, c’est par son franc-parler et ses qualités qu’elle construit sa carrière, sa famille, son histoire faite aussi de méandres. Mais les silences se font étrangement longs, les éléments scéniques plus malaisants et certains mots moins innocemment choisis… Enquêtrice de sa propre vie et les yeux rivés aux nôtres, cette femme comme une autre scrute en elle et en nous les petites errances, tente de reconstituer le puzzle, peut-être pour conjurer la folie…
Basée sur un fait divers, l’écriture de Dennis Kelly fonctionne comme un thriller qui vire à l’horreur brutale, et n’épargne pas les rôles que nous a assignés la société patriarcale. La mise en scène épurée donne une présence à la pensée en mouvement et aux fantômes qui la peuplent, et la scénographie « page blanche » se révèle un écrin au jeu de France Bastoen, qui a reçu le prix de la meilleure interprète aux Prix Maeterlinck de la Critique 2022. Girls and Boys (nominé dans la catégorie Seul∙e en scène la même année) est joué pour la quatrième année consécutive. Sans doute les dernières dates. A voir ou à revoir.