« Trente ans qu’il fixe par la photographie, sans jamais se renier, un petit théâtre cent fois monté et démonté, comme les tréteaux des baladins portés autrefois de ville en ville. Tout son monde est là, qui tient en ces objets exhumés du fond des tiroirs, oubliés, râpés, mutilés parfois, agrémentés de mots qu’il dispose à leurs côtés. Images simples et efficaces qui disent sa force et sa fragilité, ses colères et ses illusions ; images puissantes à la mesure de sa déception, images tendres parfois au reflet de ses espoirs, petites images aux grandes ambitions, qu’un format de carte postale sert tellement mieux que de flatteurs agrandissements ; justes images en aphorismes photographiques qui sont, plus que celles d’un moraliste, les sentences d’un philosophe qui, à la fin de l’envoi, parvient toujours à nous toucher. Admirable Pierart, qui affronte ce monde avec si peu de moyens, obstiné comme la marée, têtu comme le ressac, à tarauder en solitaire les falaises d’un monde – le nôtre – où règnent l’injustice, le mensonge, le profit, la misère, un monde où la crapule ne songe plus même à se cacher tant elle s’offre en exemple. Telle une ombre, Pierart se met quelques fois en scène dans ses images, sans souci d’autoportrait, usant de son visage, de son corps à l’égal des objets, signe entre les signes, exhibant aussi mots et maximes qu’il tend entre le paysage et notre regard. Sa tâche est ample : mettre le doigt où saigne le monde, donner une apparence à ses blessures, et rendre visible l’absurdité de l’existence où la conscience de l’inévitable mort devrait pourtant suffire à réduire bien des ambitions, des méfaits. »