Je dédie cette adaptation à cette truie que j’ai rencontrée dans un hangar industriel, au Royaume du Danemark. Nous nous sommes regardées et je lui ai promis de ne jamais l’oublier, elle, cette mère.
Valérie Battaglia, co-adaptatrice
Adaptation libre d’Elisabeth Costello, ainsi que de trois nouvelles de L’Abattoir de verre de John Maxwell Coetzee, Prix Nobel de Littérature, le spectacle nous conte l’histoire d’une romancière célèbre, qui à l’automne de sa vie, se pose en lanceuse d’alerte, faisant fi de sa carrière, de l’opinion de sa famille et de toutes les moqueries potentielles. Personnage de fiction inventé par Coetzee et avatar de ce dernier, Elisabeth Costello peuple non seulement son œuvre, mais aussi celle d’autres artistes et activistes et est devenue une figure culte de l’écoféminisme, de la cause du vivant et de la cause animale. D’emblée, la relation entre le réel et la fiction s’impose comme un fil conducteur du spectacle.
Nous sommes à Bruxelles, où John, son fils, s’adresse directement au public. Elisabeth Costello a fait le trajet depuis l’Australie pour recevoir le prix Stowe qui récompense tous les deux ans un écrivain célèbre. Très vite, la relation privilégiée et unique que mère et fils entretiennent devient sensible, c’est l’autre fil conducteur… Et au cours de la représentation, qui accepte sauts dans le temps et incursions de l’imaginaire, on assiste à ses entrées en scène entre maladresse, ratage, humour, colère et génie, où elle démasque le déni organisé de l’extermination des animaux plutôt que de parler de sa vie et de son œuvre romanesque.
Instillant en nous par ses questions le doute créateur, elle nous apparaît à la fois héroïne tragique d’un lendemain menacé, et anti-héroïne du non-sens, prête à tout sacrifier – sa famille, sa gloire, le respect qu’elle suscite -, pour dénoncer notre inhumanité. Car « sauver son âme» a un prix : le sacrifice de la rationalité cartésienne et de la normalité sociale…