Je dis que la villa doit rester telle quelle.
C’est un peu pauvre mais ça raconte très bien l’histoire de ceux qui ont survécu.
Et c’est comme ça qu’on prend conscience que nous vivons dans un cimetière.
Lorsque le spectateur entre dans la salle, il découvre une grande table, trois chaises et trois femmes qui sont sur le point de voter à bulletin secret l’avenir de la Villa Grimaldi, centre chilien de torture et d’extermination sous Pinochet détruit juste avant le retour de la démocratie. Elles se rencontrent pour la première fois, savent seulement qu’elles sont choisies pour représenter le comité des survivants et s’appellent les unes les autres par le même prénom, Alexandra… On comprend qu’elles ont deux options : soit reconstruire la villa telle qu’elle était juste avant sa démolition, soit y créer un musée à l’esthétique contemporaine. Mais rien ne se déroule comme prévu : un bulletin inattendu va se glisser et les inciter à remettre en question le principe pourtant démocratique du vote, à envisager une autre issue, et à improviser un débat où se mêlent alliances, contradictions, accusations, négociations, jusqu’à la révélation d’un secret qui les relie. Parviendront-elles à trouver le chemin de la réconciliation ? Comment hériter d’un passé violent ? L’art a-t-il la capacité d’y répondre ?
L’acte théâtral auquel invite Guillermo Calderón réussit la prouesse de constituer sous nos yeux un lieu de mémoire qui, selon la définition de l’historien Pierre Nora est un « lieu où une société consigne volontairement ses souvenirs ou les retrouve comme une partie nécessaire de sa personnalité ».
Mise en scène pour la première fois en français en novembre 2022 au Théâtre de la Vie, cette parole concrète et grinçante épuise les faits pour les dépasser, entrevoir un futur et donner une résonance au présent. Elles aussi héritières d’une histoire et transmettrices de cette parole sans détour, les trois magnifiques actrices d’un théâtre sans artifice nous renvoient l’intensité du débat au-delà du spectacle.