En observant la matière réagir à ses gestes, elle découvre un potentiel infini de variations. Chaque forme nait dans l’instant et se transforme aussitôt, dans un mouvement incessant de déploiement, de réorganisation, de prolifération. Ce processus évoque le cycle du vivant, cet équilibre fragile entre ce qu’elle peut maîtriser et ce qui lui échappe. Entre le contrôle et l’autonomie de la matière se tisse une tension féconde, un dialogue silencieux où se construit un espace vibrant.
L’idée de flux est essentielle dans sa démarche; Le flux est cette circulation invisible entre le matériau, le geste et l’espace. Il est ce souffle qui unit l’intérieur et l’extérieur, ce lien mouvant entre la matière et son environnement. Rien n’est cloisonné : tout respire, interagit, se répond. Dans une dynamique fluide, organique, chaque élément trouve sa place dans un équilibre toujours en mouvement. Fil de coton, fil de lin, papier, moelle de rotin, cuir… Chaque matériau devient le prolongement d’un geste, une empreinte du dialogue silencieux entre l’artiste et son œuvre. Par superposition, tension et entrelacs, elle tisse des récits où la fragilité côtoie la force, où la légèreté épouse la densité.
Le papier, lui, n’est pas une simple surface d’attente, figée et passive. Il devient acteur du processus, partenaire vivant d’une expérimentation sensible. Au contact de l’eau, il s’anime, se gondole, se plisse, se tend. Il porte en lui la mémoire du geste, comme une peau marquée par le temps et les émotions. Chaque pli, chaque empreinte, chaque tension raconte une histoire, celle d’une rencontre intime entre la main et la matière. C’est un échange presque charnel, une fusion où le dessin ne se limite pas à un tracé, mais devient le témoignage d’un dialogue organique, d’un souffle partagé.
Dans son travail, l’invisible prend forme, le geste se fait langage, et la matière, loin d’être contrainte, révèle sa poésie propre.
Amandine Lamand – Entre Fil et Mémoire
À la croisée du textile, du dessin et de la sculpture, le travail d’Amandine Lamand explore la matérialité et la porosité entre les disciplines. Par le fil, le trait, le pli, elle interroge les limites du regard et la manière dont la matière se transforme, se déploie, s’efface. Chaque geste inscrit une mémoire, chaque entrelacs capture un instant, un équilibre précaire entre ce qui se voit et ce qui se devine.
Les surfaces se plient, se creusent, se délient. Les matériaux s’entrelacent et se métamorphosent : le papier évoque le textile, le trait devient fil, le fil se fait écriture ou sculpture. Tout oscille entre présence et disparition, entre réalité et illusion. Elle tisse un espace où le regard vacille, où les limites se brouillent, où le temps suspend son cours.
Au cœur de cette exploration, le fil est une tension : trace et faille, lien et fracture, frontière mouvante entre l’invisible et le tangible. Il s’étire entre force et fragilité, continuité et rupture, générant un dialogue subtil entre structure et mouvement.
Les gestes répétés – tracer, découper, tisser, plier, graver – sont autant d’inscriptions d’une mémoire, autant de rythmes silencieux qui animent la matière comme une respiration. L’espace devient un territoire intime, où chaque élément se révèle progressivement, échappant à l’évidence.
Dans cet entre-deux, le visible vacille, ralentissant le regard, invitant à scruter, à se perdre dans ce qui persiste sans se dévoiler entièrement. Amandine Lamand cherche à matérialiser le lien, à rendre sensible l’imperceptible, à inscrire la mémoire des tensions et des silences dans le fil en perpétuel mouvement. Avec ses œuvres, Amandine Lamand nous invite à percevoir ce qui, d’ordinaire, échappe.