"Artist of Fasting", c’est l’histoire d’un homme qui décide de ne plus se nourrir ; difficile pour autant de parler d’une grève de la faim, tant son acte ne relève pas d’une protestation particulière. Il est plutôt à considérer comme « un artiste de la faim », titre de la nouvelle de Kafka dont Adachi tire avec ce film une adaptation satirique. Assis mutique dans une galerie marchante assez passante, cet homme décontenance tout ceux qui croise son chemin, et les médias s’empressent de faire de lui un phénomène médiatique. Monde du show-biz, institutions médicales, politiciens, yakuzas ou encore moines bouddhistes, tout le monde finit par se pencher sur son cas, que ce soit en soutien ou en critique, en incompréhension ou en admiration. L’énigme que représente cet homme est prétexte pour Adachi de parler de la société japonaise sous toutes ses coutures, à travers un film qui, bien que formellement moins radical que son précédent, fait preuve d’une originalité surprenante.
Auteur, critique, théoricien, scénariste, acteur et réalisateur en compagnie de Wakamatsu Kôji ou encore Ôshima Nagisa pour n’en citer que deux, Adachi Masao est un artiste libre dont l’œuvre s’étend autant dans la recherche créative que dans l’action politique, ce qui l’amènera à vivre dans la clandestinité pendant des décennies dans le maquis libanais auprès du Front de libération de la Palestine (FPLP) et à passer, ensuite, par la case prison.
Depuis plus de quinze ans, Adachi s’est remis à la réalisation avec peu de moyens. C’est au troisième temps de sa vie de réalisateur que nous nous intéressons tout particulièrement dans ce bref cycle en compagnie du Ciné-club de l’INSAS. Son parcours hors du commun fait de lui un réalisateur dont les films sont attendus, avec curiosité… Une attente teintée d’inquiétude quant à sa capacité à reprendre le chemin de la réalisation avec brio. Fragiles et souvent confectionnés avec peu de moyens, ses films suintent le désir impérieux de réaliser et de briser sans le moindre tact le glacis de la société nippone en s’intéressant à l’assassin d’Abe Shinzo, ancien Premier ministre Japonais dans "Revolution+1", et en créant un personnage fantasque particulièrement incisif dans "Artist of Fasting".
Ce cycle sera également l’occasion de découvrir à l’INSAS (site Thérésienne) "Prisoner/Terrorist" mercredi 27 à 18h, dans lequel Adachi Masao revient sur son engagement en Palestine, ainsi que, jeudi 28 à la même heure, le documentaire expérimental "Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution", portrait du cinéaste réalisé par Philippe Grandrieux.