Lors d’une tournée à Londres, en 1988, Patrick Bonté et Nicole Mossoux tombent en arrêt devant le portrait d’une petite princesse peinte par Cranach. Le tableau montre quelqu’un d’ambigu, à l’âge incertain, une jeune femme déjà vieille sans être vraiment sortie de l’enfance. La façon dont elle regarde, la manière dont le peintre l’a saisie et chargée, évoque autant l’ange que la meurtrière, avec un décalage du sujet à sa représentation, comme si la personne n’était pas vraiment là, comme si elle n’était pas concernée par le tableau dont elle constitue le sujet central. Voulant approfondir cet espace de trouble, fantasmer la Renaissance et en inventer des prolongements ou des transpositions scéniques, la Cie Mossoux-Bonté crée en 1990, au Theater De Synagoge à Tilburg (Pays-Bas) De ultieme gevoelens van Lucas Cranach de Oude. Joué plus de 150 fois à
travers l’Europe, pendant 25 ans, c’est l’un des spectacles-phares de la compagnie.
Aujourd’hui, l’enjeu est de redécouvrir le spectacle, en le transformant tout à fait et en confrontant une nouvelle génération d’interprètes au monde intime et décalé de Cranach et à l’incarnation de ses figures. Hantés par la mémoire convulsive d’une existence antérieure, des personnages apparaissent derrière un mur en trompe l’oeil troué de fenêtres, créant des tableaux vivants dans une atmosphère dominée par l’humour, l’érotisme et le mystère de la présence.