Yolanda, Clementina et Mimosa, prostituées et toxicos, errent dans les entrailles de Tijuana. Un enfer à ciel ouvert : c’est bien avec ces mots qu’on pourrait décrire le quotidien de ces âmes égarées. Et pourtant, il est peu probable que le spectateur ressorte de la salle avec cette seule impression, la raison tenant principalement dans le geste cinématographique de Jean-Charles Hue. En effet, son ambition ne réside pas uniquement dans la simple retranscription de la réalité de ces femmes mais aussi dans la récupération de leurs confessions et de leur traduction plastique. Par l’entremise du montage, de la surexposition ou encore de la mise au point, le cinéaste n’hésite pas à virer dans l’abstraction pour donner à voir les tourments ou la quête de lumière de ces madones clochardisées. En collant au plus près de leur corps, il dépasse l’image de la seule détresse pour creuser leur humanité et leur redonner un droit à la beauté. Comme Clementina, Hue prend au pied de la lettre la pensée de Deleuze selon laquelle "il faut délirer le réel" pour trouver la force de continuer à vivre. Un film comme il en sort rarement, à mi-chemin du gothique et du roman, du cadavérique et de la débauche de couleurs.