Quand l’horizon nous freine, comment relier nos corps et défier nos limites avec espièglerie ?
Dès le titre, l’énigme semble posée : qui sont ces sept personnes qui vont contre le vent ? Des ami·es ? Une fratrie ? I·els sont là, sur scène, jeunes ou moins jeunes, rassemblé·es autour d’une table. Chacun·e, à tour de rôle, se lève pour lire une lettre. À travers les mots, l’absence se dévoile. Le manque se dessine. La musique les accompagne. Elle se glisse dans leur chair et les met en mouvement. Alors i·els dansent, rient, s’élancent, s’échappent, tantôt comme des adultes, tantôt comme des enfants. I·els explorent leurs pulsions, leurs désirs, leurs vertiges. La chute n’est jamais loin, et pourtant, i·els sont là l’un·e pour l’autre, cherchent leur équilibre, se soutiennent, se rattrapent. Transforment le décor, l’éclairage, construisent et déconstruisent à vue leur terrain de jeu, ce monde dont i·els ne cessent de repousser la lisière et d’explorer les recoins. Un paysage familier qui, pas après pas, se dévoile ou s’estompe, peuplé d’adversités invisibles, face auxquelles i·els tiennent bon.
Intitulé d’après l’autre nom des Omahas, un peuple cité dans Partition rouge, un recueil de poèmes et de chants des Indiens d’Amérique du Nord que Nathalie Béasse conserve depuis toujours comme livre de chevet, ceux-qui-vont-contre-le-vent explore la façon dont nos corps continuent d’avancer en dépit des obstacles. Comment, avec leur solitude et leurs fragilités, ces sept corps peuvent-ils former une même entité, une famille, une tribu ? Face au groupe, comment se transforment-ils, qu’ont-ils à révéler ou à dissimuler ? Créé en 2021 au Festival d’Avignon, ce spectacle puise dans notre humanité pour mettre en scène nos joies et nos empêchements. Nos élans vers l’autre, mais aussi notre difficulté, parfois, à verbaliser des choses que nos mouvements finissent par exprimer. Pour autant, les mots sont bien présents : Flaubert, Rilke, Duras, Gertrude Stein … Des fragments littéraires qui s’invitent avec une telle simplicité dans la voix des interprètes, que cette parole semble avoir été inventée dans l’instant. Un imaginaire d’une très grande délicatesse, qui creuse dans le sensible pour continuer, inlassablement, d’interroger ce qui nous relie.